14/11/2025
Carbone, Connexion et Futur de la Régénération : Ce que j’ai retenu de ma conversation avec Paul Hawken

Par Jean-Philippe Courtois
Lorsque je me suis installé pour enregistrer notre dernier épisode du Positive Leadership Podcast avec Paul Hawken, j’ai été frappé par une évidence : parfois, transformer notre monde commence par transformer le récit que nous faisons du monde.
Le travail de Paul — de Drawdown à Regeneration et aujourd’hui Carbon: The Book of Life — déconstruit l’une des idées les plus tenaces de notre époque :
👉 Le carbone n’est pas l’ennemi. C’est notre relation brisée à la nature qui l’est.
Ce changement de perspective, simple mais profond, ouvre de nouvelles voies pour les dirigeants, innovateurs, maires, entrepreneurs et citoyens qui cherchent à agir avec courage et clarté dans une époque marquée par l’anxiété climatique.
Dans ce billet, je veux partager les enseignements qui m'ont le plus marqué après notre échange — et les élargir à travers le prisme du leadership positif, du sens et de l’action collective.
1. Repenser le carbone : du “méchant” au fil de la vie
L’un des moments les plus marquants de notre conversation a été lorsque Paul m’a rappelé que le carbone est l’élément le plus généreux de la Terre.
Nous avons construit tout un récit autour du “combat contre le carbone”, alors que le véritable défi consiste à comprendre comment nos systèmes se sont déconnectés et comment notre relation à la nature s’est fissurée :
- la chaleur se sépare des sols,
- l’eau des écosystèmes,
- le carbone du monde vivant.
Lorsque ces relations se rompent, nous assistons à des inondations, des sécheresses et des dérèglements climatiques.
Mais lorsque nous les reconnectons — via l’agriculture régénératrice, des sols vivants, la gestion forestière, ou encore le design circulaire — le système commence à se guérir de lui-même.
Ce thème fait écho à des réflexions déjà entendues dans le podcast :
- Hannah Ritchie nous rappelait que l’action commence par la compréhension des faits.
- Laurence Tubiana expliquait que le succès de l’Accord de Paris est né de l’inclusion de toutes les voix, notamment les plus petites.
- Gianpiero Petriglieri affirmait que le leadership se forge à l’intersection de la rupture et du sens.
Repenser le carbone n’est pas seulement une question scientifique : c’est une manière différente de diriger, fondée sur la responsabilité plutôt que sur la peur.
2. La régénération commence par la joie, pas par la culpabilité
Un autre enseignement puissant de Paul :
👉 “Commencez par la joie. Commencez par l’émerveillement.”
Cela peut sembler contre-intuitif à une époque où les discours climatiques sont dominés par l’urgence et la crise.
Mais la joie n’est pas de la naïveté — c’est une énergie.
Dans mon épisode avec Barbara Fredrickson, elle expliquait comment les émotions positives démultiplient notre capacité à agir.
Dans ma conversation avec Paul Polman, il partageait comment l’espoir et le service peuvent galvaniser les équipes bien plus efficacement que la peur.
Paul Hawken incarne cette philosophie :
La régénération n’est pas un fardeau — c’est une invitation.
Ce n’est pas un sacrifice — c’est une participation.
Quand nous aidons les gens à retomber amoureux du monde vivant, l’action suit naturellement.
3. Guérir les systèmes par la connexion
Un fil rouge de notre conversation :
👉 “La manière de guérir un système, c’est de connecter davantage ses éléments entre eux.”
Cette phrase résume l’essence du leadership positif.
Que l’on parle de :
- système climatique,
- communauté,
- entreprise,
- ou même mission personnelle…
La guérison survient lorsque les relations se renforcent.
Lorsque les voix sont entendues.
Lorsque la coopération remplace la friction.
Lorsque le sens rejoint l’action.
Cette vision fait écho à ma discussion avec John Elkington, qui rappelait que la durabilité n’est pas un problème technique, mais un défi de réagencement des relations entre profit, personnes et planète.
Elle rejoint aussi l’idée de Kevin Scott sur l’IA : les systèmes amplifient ce à quoi nous les connectons — nos valeurs, nos intentions, nos incitations.
La régénération devient alors une pratique de leadership qui consiste à tisser des connexions permettant à la vie — sous toutes ses formes — de prospérer.
4. Le rôle du leader : cultiver des points de bascule positifs
Paul et moi avons également exploré la notion de points de bascule positifs : ces moments où de petites interventions déclenchent des changements disproportionnés.
Ces points de bascule émergent souvent lorsque :
- des acteurs qui ne collaboraient pas se mettent soudain à travailler ensemble,
- des maires adoptent des pratiques régénératives qui se diffusent de ville en ville,
- des agriculteurs passent de l’extraction à la régénération,
- des mouvements de jeunes inspirent un courage politique nouveau.
Dans le Positive Leadership Podcast, j’ai vu ce principe à l’œuvre à maintes reprises :
- Jeff Raikes parlait de transformer la philanthropie grâce aux données et à l’intervention précoce.
- Rana el Kaliouby expliquait comment l’intelligence émotionnelle peut amplifier l’innovation technologique.
- Fabio Barbosa montrait comment un leadership fondé sur les valeurs peut réorienter des industries entières.
La régénération devient réelle lorsque les leaders créent les conditions permettant à ces points de bascule d’émerger — lorsqu’ils instaurent les “systèmes d’action précoce” dont parle Paul.
5. Ma réflexion : Diriger au service du vivant
Ce qui m’est resté le plus fortement après cet épisode, c’est la clarté du message de Paul :
👉 Diriger au XXIᵉ siècle, c’est choisir de servir la vie — non comme un slogan, mais comme une pratique.
Cela commence par de nouvelles questions :
- Comment mes décisions affectent-elles les écosystèmes qui nous soutiennent ?
- Quel récit suis-je en train de renforcer à travers mon leadership ?
- Est-ce que j’agis par peur ou par possibilité ?
- Que puis-je régénérer — dans mon équipe, ma communauté, mon industrie ?
Les leaders qui façonneront l’avenir seront ceux qui choisissent la connexion plutôt que la déconnexion, la responsabilité plutôt que le désespoir, la joie plutôt que la paralysie, et le service plutôt que le statut.
C’est cela, le leadership positif.
Et c’est plus nécessaire que jamais.
Pour aller plus loin
Je vous invite à écouter l’épisode complet avec Paul Hawken — l’une des conversations les plus éclairantes et les plus porteuses d’espoir que j’aie eues sur ce podcast.
Et si les thèmes de cet article vous parlent, vous apprécierez aussi :
- Mon épisode avec Hannah Ritchie — L’optimisme urgent
- Mon conversation avec Laurence Tubiana — Diplomatie, écoute et responsabilité planétaire
- Mon épisode avec Paul Polman — Entreprise régénérative et leadership courageux
En guise de conclusion
Le carbone n’est pas le problème.
La vie n’est pas le problème.
Et l’avenir n’est pas écrit.
Mais le prochain chapitre dépend des récits que nous choisissons de raconter —
et des actions que nous choisissons de mener, dès maintenant.
Dirigeons avec intention.
Dirigeons avec connexion.
Dirigeons au service du vivant.




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